Le Conseil de la Fondation du Prix Henry Dunant a le plaisir d’attribuer le Prix Henry Dunant – Recherche pour l’année 2025 à Lisang Nyathi.
Biographie
Lisang Nyathi est titulaire d’une licence en études juridiques comparées, européennes et internationales (2024) de l’Université de Trente, en Italie, où il a soutenu un mémoire intitulé « La jurisprudence de la CEDH en matière de gestation pour autrui transfrontalière : l’intérêt supérieur de l’enfant ». Il est également titulaire d’un LL.M. en droit international humanitaire et droits de l’homme de l’Académie de Genève (2025), durant lequel il a effectué un stage auprès de la Plateforme des droits de l’homme de Genève. Actuellement, Lisang prépare un doctorat en droits de l’homme, politique mondiale et développement durable : perspectives juridiques et philosophiques à la Scuola Superiore Sant’Anna, en Italie. Ses recherches portent sur l’intersection du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et plus particulièrement sur la protection des enfants et de leurs droits dans les conflits armés, notamment en matière d’éducation.
Résumé du mémoire de maîtrise en droit (LL.M.)
Face à la multiplication des conflits armés à travers le monde, les enfants figurent parmi les populations les plus vulnérables et subissent de graves violations de leurs droits humains, notamment leur droit à l’éducation. Ce mémoire soutient que, malgré la protection juridique et normative, ce droit est bafoué de multiples façons dans les situations de conflit armé. S’appuyant sur le lien établi entre le droit à l’éducation et la dignité humaine en vertu du droit international des droits de l’homme (DIDH), il propose un nouveau cadre d’interprétation qui redéfinit le déni d’éducation dans les conflits armés non seulement comme une violation juridique, mais aussi comme une atteinte directe à la dignité humaine des enfants. Il affirme que ce lien est si fondamental qu’il constitue à la fois le fondement et le pouvoir transformateur de l’éducation. Si cette perspective était intégrée à la protection juridique, de nombreux comportements observés aujourd’hui dans les conflits armés seraient interdits, car l’éducation, en plus d’être fondée sur la dignité humaine, permet de mener une vie digne.
Le mémoire commence par situer l’étude dans le contexte mondial des conflits armés contemporains, en soulignant des statistiques alarmantes sur les violations du droit des enfants à l’éducation à l’échelle mondiale. Adoptant une approche globale plutôt que contextuelle, ce document affirme que le droit à l’éducation des enfants en situation de conflit armé doit être garanti partout, pour chaque enfant, sans discrimination. Il définit ensuite des termes clés tels que l’éducation, la dignité humaine, les enfants et les conflits armés.
La seconde partie examine la protection internationale actuelle du droit des enfants à l’éducation en période de conflit armé au regard du droit international des droits de l’homme (DIDH) et du droit international humanitaire (DIH). Si les deux cadres offrent une protection importante, ils le font différemment. Le DIDH consacre explicitement le droit à l’éducation, imposant aux États des obligations positives et négatives contraignantes qui s’appliquent même en temps de conflit. Le DIH, en revanche, protège les enfants et les écoles principalement en vertu de leur statut civil, avec quelques garanties spécifiques en cas d’occupation, d’internement et de conflits armés non internationaux. Malgré ces protections, des violations graves et récurrentes persistent, soulignant l’urgence de renforcer la protection de ce droit. Ce document soutient que limiter l’évaluation de l’impact des conflits armés sur le droit des enfants à l’éducation, que ce soit à Gaza, au Soudan, en Ukraine, en RDC ou ailleurs, au seul cadre juridique actuel ne permet pas de saisir toute l’ampleur des préjudices causés. Le déni d’éducation en période de conflit armé constitue non seulement une violation des obligations juridiques découlant du droit international des droits de l’homme (DIDH) et du droit international humanitaire (DIH), mais aussi une atteinte profonde à la dignité inhérente de l’enfant.
Partant de ce constat, la troisième partie de ce document, qui en constitue le cœur, propose de repenser l’approche juridique en établissant un lien entre le droit à l’éducation, la dignité humaine et le DIH. Elle soutient que le concept de dignité humaine offre un fondement normatif et juridique puissant, quoique sous-exploité, pour renforcer la protection. S’appuyant sur le DIDH, ce document affirme que l’éducation est à la fois ancrée dans la dignité humaine et essentielle à sa réalisation. En période de conflit armé, les obligations découlant du DIDH et du DIH devraient donc être interprétées et appliquées de manière à refléter et à préserver ce lien. Le déni d’éducation, conclut-il, n’est pas seulement illégal, mais constitue une atteinte profonde à la dignité humaine des enfants, valeur fondamentale tant du DIDH que du DIH.
La quatrième partie propose des stratégies concrètes pour mettre en œuvre ce cadre dans la pratique. Elle présente trois stratégies clés : (1) intégrer l’éducation comme priorité humanitaire et juridique centrale ; (2) garantir des environnements d’apprentissage sûrs et démilitarisés grâce à des mesures telles que la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ; et (3) soutenir le redressement et la réparation du système éducatif à long terme après un conflit.
En conclusion, ce document réaffirme que la violation du droit des enfants à l’éducation en période de conflit armé constitue non seulement une violation du droit international, mais aussi une atteinte profonde à leur dignité. Protéger l’éducation ne se limite donc pas à préserver les espaces d’apprentissage ; il s’agit de défendre l’humanité, l’avenir et la dignité de chaque enfant touché par la guerre.
Plus d’informations sur Lisang
Je suis actuellement basé à Pise, en Italie, où je poursuis un doctorat en droits humains, politique mondiale et développement durable : perspectives juridiques et philosophiques à la Scuola Superiore Sant’Anna. Mes recherches portent sur le droit à l’éducation des enfants touchés par les conflits armés. Au cours des prochaines années, je souhaite collaborer étroitement avec des organisations internationales dédiées à la protection des enfants dans les zones de conflit et à la garantie de leur accès à une éducation sûre et de qualité. À long terme, je souhaite continuer à œuvrer pour la protection des droits de l’enfant pendant et après les conflits armés.
Éloge
Éloge de M. Lisang Nyathi, lauréat du Prix de recherche Henry Dunant 2025
C’est un honneur de célébrer M. Lisang Nyathi, lauréat du Prix de recherche Henry Dunant 2025, pour sa thèse intitulée « Quand les balles menacent la quête du savoir : Rétablir le droit à l’éducation des enfants dans les conflits armés grâce à une approche centrée sur la dignité humaine en vertu du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire ».
Supervisé par la professeure Clara Sandoval à l’Académie de Genève, ce travail exceptionnel incarne les idéaux mêmes qui ont inspiré Henry Dunant : l’humanité, le courage et la foi dans le droit comme force de compassion.
Renouveler la vision de Dunant
Le Prix de recherche Henry Dunant récompense les travaux universitaires qui approfondissent et renouvellent les idéaux de Dunant. L’étude de M. Nyathi fait précisément cela. En se concentrant sur le droit des enfants à l’éducation dans les conflits armés, il rejoint le combat de toute une vie mené par Dunant pour protéger les civils et donner la parole à ceux qui sont réduits au silence par la violence. Dunant rêvait autrefois d’une « Croix verte » pour protéger les femmes et les enfants, comme la Croix-Rouge protège les blessés ; cette thèse donne une substance juridique à ce rêve.
Pour M. Nyathi, la destruction ou l’occupation des écoles n’est pas une simple tragédie collatérale, mais une attaque directe contre la dignité humaine. Il soutient que le déni d’éducation doit être considéré non seulement comme une violation du droit, mais comme une atteinte à la valeur intrinsèque de l’enfant – « la dignité humaine de l’enfant », selon ses propres termes. À travers ce prisme, il transforme l’éducation, d’un droit social accessoire, en une préoccupation humanitaire fondamentale, essentielle à la dignité et à la paix.
Un argument juridique rigoureux et pratique
La thèse unit le droit international humanitaire (DIH) et le droit international des droits de l’homme (DIDH) au sein d’un cadre cohérent centré sur la dignité. Elle démontre comment la dignité, reconnue de longue date en droit international des droits humains, peut également guider l’interprétation du droit international humanitaire, renforçant ainsi la protection des enfants et des écoles sans pour autant créer de nouvelles normes.
Comme l’a souligné le directeur de thèse dans son évaluation, ce travail est « impeccable dans sa présentation, rigoureusement documenté et élégamment argumenté ». Au-delà de la précision doctrinale, son originalité réside dans sa dimension opérationnelle : M. Nyathi montre comment une approche fondée sur la dignité peut transformer la pratique. Il propose trois stratégies complémentaires : faire de l’éducation une priorité humanitaire, assurer la sécurité dans et autour des espaces d’apprentissage et considérer l’éducation comme un moyen de réparation et de reconstruction dans le cadre de la justice post-conflit. Chacune témoigne d’une rare capacité à concilier théorie et action, droit et humanité.
Actualité et clarté morale
Dans un monde où les guerres à Gaza, au Soudan, en Ukraine et en République démocratique du Congo ont privé des millions d’enfants d’éducation, cette étude est d’une actualité brûlante. Elle documente avec précision l’ampleur des attaques contre l’éducation – 6 000 incidents en deux ans – mais son message transcende les chiffres : refuser l’éducation, c’est nier la dignité et l’avenir.
À l’instar de Dunant, M. Nyathi refuse de se résigner face à la souffrance. Il insiste sur le fait que le droit humanitaire, correctement interprété, doit préserver non seulement la vie, mais aussi la possibilité d’une vie digne, même en temps de guerre.
Son raisonnement reste réaliste. Tout en plaidant pour une interdiction totale de l’utilisation militaire des écoles, il ne prétend pas interdire absolument les attaques si une école devient un objectif militaire légitime. Il soutient plutôt que la dignité doit peser de manière décisive dans les évaluations de proportionnalité – une synthèse élégante de conviction morale et de rigueur juridique.
Conclusion
Par ses recherches méticuleuses et son profond humanisme, Lisang Nyathi renouvelle le message d’Henry Dunant pour notre époque : le droit doit être au service de la personne humaine, et même au milieu des conflits, la quête du savoir doit perdurer. Son travail nous rappelle que protéger une école, c’est protéger la dignité, l’espoir et l’humanité de l’enfant.
Protéger l’éducation, écrit-il, c’est protéger l’humanité elle-même. Dans ces mots, la voix d’Henry Dunant résonne encore, nous exhortant à croire que la compassion, exprimée par le droit, peut changer le monde.
Pour son excellence intellectuelle, sa clarté morale et sa compassion inébranlable, la Fondation Henry Dunant est fière de décerner à M. Lisang Nyathi le Prix de recherche Henry Dunant 2025, avec nos plus chaleureuses félicitations.
Vidéos
Voici la vidéo de la remise du Prix 2025 (en anglais).
Geneva Academy Graduation Ceremony 2025