Vendredi 25 octobre, le Conseil de la Fondation Prix Henry Dunant a été heureux d’attribuer le Prix Henry Dunant – Recherche pour l’année 2024 à Ritika Sharma.
Biographie
Ritika Sharma a obtenu son LL.M. de l’Académie de Genève en 2024 et est titulaire d’un baccalauréat en droit (avec mention) de l’Université du Panjab, en Inde, obtenu en 2022. Elle a également obtenu un diplôme en Nations Unies et en compréhension internationale de l’Institut d’études des Nations Unies de New Delhi. Au cours de ses études de licence, elle a présenté des articles de recherche lors de conférences sur les droits des migrants, des demandeurs d’asile, des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. En 2022, elle a effectué un stage au sein de l’initiative Lingering Shadows, aidant à obtenir la libération et la prise en charge des droits humains d’une femme rohingya détenue dans un centre de détention, tout en travaillant sur des affaires de violence domestique contre les femmes en Inde. Passionnée par la justice au niveau local, elle tient un blogue qui aborde des questions sociojuridiques tout en explorant des sujets plus larges liés aux droits de la personne et au droit humanitaire. Au cours de sa maîtrise en droit, elle a été stagiaire en plaidoyer chez Human Rights Now, où elle a travaillé sur les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans le conflit au Myanmar. Dans le cadre de ce stage, elle a participé aux 56e et 57e sessions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Ses intérêts académiques comprennent la justice de genre, le droit international humanitaire et l’intersection de la religion et du droit.
Résumé de l’article LL.M.
Le document aborde la violence sexuelle à l’égard des femmes dans la conduite des hostilités (« CdH ») et souligne que le cadre actuel du droit international humanitaire (« DIH ») n’offre pas une protection adéquate aux femmes. Il examine si les « dictats de la conscience publique » peuvent combler ce fossé. Les trois aspects clés examinés sont les critiques féministes du DIH, les « dictats de la conscience publique » et l’étude des principes religieux de l’hindouisme et du bouddhisme pour la protection des femmes contre la violence sexuelle. La première section définit l’introduction et la portée de la recherche, puis l’article présente deux écoles de pensée féministes. La première école affirme que le DIH est adéquat mais qu’il n’est pas appliqué, tandis que l’école révisionniste soutient que les dispositions du DIH sont inadéquates et ne tiennent pas compte des expériences uniques des femmes. La violence sexuelle est également absente de la catégorie des « infractions graves ». Pour combler ces lacunes, le document propose une solution consistant à invoquer les « dictats de la conscience publique ». La section suivante traite de la signification et de la pertinence des « dictats de la conscience publique ». La clause de Martens a été introduite en 1899 pour combler les lacunes en invoquant les « principes d’humanité » et les « dictats de la conscience publique ». Bien qu’initialement destinée à compléter les traités incomplets, la clause reste importante dans le DIH tel qu’on le voit dans les Conventions de Genève et les Protocoles additionnels de 1949. Identifié à partir d’actes, de résolutions et de pratiques faisant autorité, le document souligne que les « dictats de la conscience publique » peuvent également être exploités à partir de la religion. Cette section soutient qu’il ne faut pas négliger le potentiel des « dictats de la conscience publique » pour renforcer la protection et atténuer les souffrances des femmes pendant la CdH. Dans la section suivante, l’article explore comment l’hindouisme et le bouddhisme fournissent des cadres éthiques qui protègent les femmes contre la violence sexuelle. Il traite des principes hindous du dharma, tels qu’on les voit dans des épopées comme le Mahabharata et le Ramayana, et des préceptes bouddhistes contre l’inconduite sexuelle. Les deux religions, à travers leurs enseignements, promeuvent la protection des femmes. L’article présente ensuite un examen de la réalité de la guerre civile au Sri Lanka, du conflit au Myanmar et de la conduite des nationalistes hindous en Inde afin d’étudier si les principes et les idéaux discutés dans la section précédente ont été suivis dans la pratique. Au Sri Lanka, malgré sa majorité bouddhiste, les forces gouvernementales ont systématiquement eu recours à la violence sexuelle contre les femmes tamoules, violant ainsi les préceptes bouddhistes contre l’inconduite sexuelle. Le conflit sri-lankais a également mis en évidence les vulnérabilités supplémentaires auxquelles sont confrontées les femmes appartenant à des minorités, avec des cas de conversions religieuses forcées et un manque de soutien de la part des autorités. Au Myanmar, la violente campagne menée par l’armée contre les Rohingyas a vu l’utilisation généralisée de la violence sexuelle comme arme de nettoyage ethnique. Malgré les enseignements bouddhistes sur la non-violence et la compassion, des moines radicaux ont incité à la violence en dépeignant les hommes rohingyas comme des prédateurs. La violence sexuelle a été systématiquement utilisée pour terroriser les Rohingyas, détruire leur communauté et affirmer leur domination ethnique et religieuse. De même, dans diverses régions de l’Inde, les nationalistes hindous se sont livrés à des comportements qui contredisaient l’éthique hindoue interdisant le viol et la violence sexuelle contre les femmes. Cette section met en évidence comment l’implication des chefs religieux, à la fois dans l’incitation à la violence et dans l’opposition à celle-ci, présente le rôle complexe que joue la religion dans de tels conflits. Le document conclut en soulignant que la religion joue un rôle crucial dans les conflits armés et qu’il est essentiel de comprendre les valeurs fondamentales des communautés pour relever les défis des conflits armés. Des initiatives telles que le travail du CICR avec les cercles religieux et le cadre « Foi pour les droits » des Nations Unies illustrent comment les enseignements religieux peuvent renforcer les efforts humanitaires. Ainsi, les « dictats de la conscience publique » tirés des religions ont le potentiel de résoudre le problème de la violence sexuelle à l’égard des femmes pendant la conduite des hostilités.
Plus d’informations sur Ritika Sharma
Je suis basée à Panchkula, dans l’Haryana, en Inde, et je suis actuellement boursière avec WOSSO (Women of the South Speak Out) pour la région Asie-Pacifique. Au cours des prochains mois, je mettrai en œuvre mon plan de plaidoyer en Inde, en mettant l’accent sur l’intersectionnalité de la violence sexuelle à l’égard des femmes, en tenant compte en particulier de facteurs tels que la caste, la pauvreté, la religion et l’appartenance ethnique. Mon travail examinera les expériences des femmes dans sept pays d’Asie du Sud, en temps de conflit et en temps de paix. Grâce à cette bourse, je participerai à des conférences régionales et mondiales, mènerai des campagnes de sensibilisation et m’engagerai auprès des décideurs politiques pour soulever cette question. L’accent sera également mis sur la façon dont l’intersectionnalité a eu un impact historique et contemporain sur les femmes dans les conflits en Asie du Sud. De plus, le 5 novembre 2024, je présenterai (virtuellement) mon article de maîtrise lors de la « Faith for Rights commUNity of Practices : Fifth Annual Meeting 2024 » qui se tiendra au Palais Wilson, Geneva. A l’avenir, j’ai l’intention de continuer à travailler pour les droits des femmes dans le secteur humanitaire et de consacrer ma carrière à travailler sur ces questions critiques dans le contexte sud-asiatique.
Laudatio
Le Prix Henry Dunant Recherche est décerné par le Conseil de la Fondation Prix Henry Dunant à des personnes ou des organisations ayant accompli un travail remarquable pour faire avancer, promouvoir et renouveler les idées et les engagements d’Henry Dunant.
Depuis plus de 10 ans, le Conseil de fondation du Prix Dunant décerne chaque année le prix au mémoire d’un ou d’une étudiante de l’Académie de Genève qui reflète le mieux les idéaux, les capacités de communication et l’activisme d’Henry Dunant. Cette année, trois mémoires représentant les valeurs d’Henry Dunant ont été nominés pour le prix :
- Le mémoire de Mme Elien Desmet examine l’efficacité des sanctions comme moyen d’assurer le respect du droit international humanitaire.
- La deuxième thèse, celle de Mme Ritika Sharma, traite des fondements religieux de l’hindouisme et du bouddhisme dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes pendant les hostilités.
- Le troisième mémoire, de Mme Clémence Wondon, porte sur la dignité des victimes et le respect de leurs droits posthumes.
Le Conseil de Fondation du Prix Henry Dunant tient à féliciter ici les nominées – trois femmes – pour l’excellence de leur travail. Nous tenons également à remercier l’Académie de Genève pour sa fructueuse collaboration.
Le Jury du Prix, composé de membres de l’Académie, du CICR et de la Fondation du Prix Henry Dunant, a lu avec grand intérêt les trois dissertations soumises. Une fois de plus, le choix s’est avéré difficile. Si les trois mémoires s’inscrivent dans les thématiques chères à Henry Dunant, l’un d’entre eux a particulièrement retenu l’attention du jury lors de sa réunion du 9 octobre, ainsi que des membres de la Fondation.
Le travail de Mme Ritika Sharma a donc été sélectionné pour recevoir le Prix Henry Dunant recherche 2024 en reconnaissance des valeurs véhiculées par sa recherche.
Premièrement parce qu’elle s’intéresse aux victimes de persécutions et plus particulièrement aux femmes, deux thèmes importants dans les combats d’Henry Dunant. Celui-ci souhaitait, en effet, créer une Croix verte pour protéger les femmes et les enfants.
Deuxièmement, pour l’attention portée aux valeurs des civilisations non occidentales au travers de l’analyse des fondements religieux visant à la protection des femmes au sein de l’hindouisme et du bouddhisme. Henry Dunant aussi n’hésitait pas à mettre en doute « la supériorité de l’Occident chrétien » et s’insurgeait contre la destruction de civilisations extra européennes.
Troisièmement, la capacité de communication de Mme Sharma ainsi que la profonde compassion qui transparait tout au long de son mémoire ont convaincu les membres du jury. Henry Dunant lui-même manifestait une sensibilité à fleur de peau face à toute souffrance humaine et n’hésitait pas à solliciter des appuis de tous bords.
Ces valeurs, qui sont au cœur même de l’engagement d’Henry Dunant, sont particulièrement présentes dans le mémoire de Mme Sharma.
Le Jury, l’Académie et le Conseil de Fondation du Prix Henry Dunant sont donc très heureux de lui remettre le prix recherche 2024.
Ils souhaitent la féliciter pour son travail et seraient heureux de suivre son parcours à venir.
Vidéos
Voici 3 vidéos de la remise du Prix, le 25 octobre 2024.
Roger Durand présente le Prix Henry Dunant
Remise Prix Henry Dunant Recherche 2024 à Ritika Sharma par Etienne Kuster
(en anglais)
Ritika Sharma accepte le Prix Henry Dunant à la remise de diplômes 2024
(en anglais)