Le Prix Henry Dunant Terrain 2025 a été attribué à M. Zakaria Daboné, juriste burkinabè, enseignant, chercheur et praticien du droit international humanitaire, dont le parcours conjugue avec une rare cohérence engagement de terrain, rigueur académique et fidélité à l’esprit d’Henry Dunant.
La cérémonie de remise du Prix s’est tenue le 20 novembre 2025, dans la Salle de l’Alabama de l’Hôtel de Ville de Genève, lieu hautement symbolique de l’histoire humanitaire et du règlement pacifique des conflits. C’est dans ce cadre que fut prononcée la laudatio retraçant un itinéraire intellectuel et humain profondément ancré dans les réalités contemporaines des conflits armés.
Lire le laudatio par Roger Durand ainsi que le discours de Zakaria.
Un homme de terrain au service du droit
Basé au Burkina Faso, Zakaria Daboné enseigne notamment le droit international humanitaire à l’Université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso. Il a occupé des fonctions centrales dans la mise en œuvre du droit international humanitaire et des droits humains, en particulier en tant que Secrétaire permanent de la Commission nationale du DIH et des droits humains.
Son engagement dépasse largement le cadre national. En tant que membre de la Mission de l’Union africaine pour la République centrafricaine et l’Afrique centrale, il a pris part aux négociations ayant conduit à l’Accord pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, signé le 6 février 2019. Dans ce contexte, il a contribué de manière décisive à la sensibilisation des groupes armés, notamment sur les normes du droit international humanitaire, condition indispensable à toute négociation crédible.
Parallèlement, Zakaria Daboné a formé, au Burkina Faso et dans de nombreux États africains, des militaires, magistrats, avocats, diplomates, parlementaires, fonctionnaires et acteurs de la société civile, contribuant ainsi à un enracinement concret du droit humanitaire dans les pratiques institutionnelles.
Une trajectoire académique d’excellence
Homme de terrain, Zakaria Daboné est aussi un académicien reconnu. Formé à Genève, il a été étudiant, doctorant, puis assistant d’enseignement et de recherche au sein de ce qui est aujourd’hui l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève. Il s’y est distingué par l’excellence de ses résultats, obtenant notamment la meilleure note de sa promotion dans l’enseignement spécialisé du professeur Marco Sassòli.
Sa thèse de doctorat, soutenue en janvier 2011 à l’Université de Genève et intitulée Le droit international public relatif aux groupes armés non étatiques, a obtenu la mention « très bien », la plus haute distinction alors attribuée. Publiée comme premier volume de la Collection genevoise de droit international, elle demeure une référence sur un sujet au cœur des défis contemporains du droit humanitaire.
Ses travaux récents portent notamment sur l’application asymétrique du droit international humanitaire dans les conflits armés non internationaux, ainsi que sur les conditions d’une application différenciée par les groupes armés non étatiques. Ces recherches, à la fois théoriquement exigeantes et empiriquement ancrées, témoignent d’une volonté constante de rendre le droit pertinent face aux réalités du terrain.
Choisir le retour et l’engagement
Après un post-doctorat à l’Université du Michigan, Zakaria Daboné a fait le choix, exigeant et profondément dunantien, de rentrer dans son pays. Il y poursuit son engagement au service des institutions, notamment comme membre du Comité national de rédaction du Guide pratique de conclusion des traités et accords internationaux du Burkina Faso.
En reconnaissance de son apport académique, l’État burkinabè l’a récemment élevé au rang de Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques, à l’occasion du 65ᵉ anniversaire de l’indépendance nationale.
Une parole libre et lucide
Dans son discours de lauréat, prononcé lors de la cérémonie, Zakaria Daboné a livré une réflexion exigeante sur les forces et les faiblesses de Genève dans la mise en œuvre et le développement du droit international humanitaire. Il y exprime une inquiétude lucide face à l’essoufflement du DIH, soulignant les contradictions d’un ordre juridique façonné par les États alors même que nombre d’entre eux sont aujourd’hui parties aux conflits armés.
Il y rappelle surtout que le droit international humanitaire n’est ni un dogme ni un texte sacré, mais une construction humaine, appelée à évoluer pour rester fidèle à sa finalité première: atténuer les souffrances de la guerre, sans jamais s’y résigner.
Fidélité à l’esprit d’Henry Dunant
À l’image d’Henry Dunant, Zakaria Daboné n’idéalise ni la guerre ni les acteurs armés. Mais, comme lui, il a compris que l’humanisation des conflits passe par des règles réalistes, intelligibles et appropriées par ceux à qui elles s’adressent. Son parcours, marqué par un constant aller-retour entre réflexion et action, incarne avec force l’esprit du Prix Henry Dunant Terrain.
En lui attribuant le Prix 2025, la Fondation salue une œuvre déjà considérable et formule le vœu que cet engagement puisse se poursuivre, malgré un contexte international et régional particulièrement éprouvant.